Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/188

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manqué une forme déterminée et la conscience ; mais il ne lui donne pas la science, et Hakamoth, repoussée encore du plérome, est rejetée dans les espaces. Livrée à toute la violence de ses désirs[1], elle enfante d’une part l’âme du monde et toutes les substances psychiques, de l’autre la matière. Les angoisses alternaient chez elle avec l’espérance. Tantôt elle redoutait son anéantissement ; d’autres fois les souvenirs de son passé perdu la ravissaient. Ses larmes fournirent l’élément humide, son sourire fut la lumière, sa tristesse fut la matière opaque. Enfin l’éon Jésus vint la sauver, et, dans son ravissement, la pauvre délivrée enfanta l’élément pneumatique, le troisième des éléments qui constituent le monde. Hakamoth ou Prunice ne se repose pas néanmoins ; l’agitation est son essence ; il y a en elle comme un travail de Dieu ; produire est la loi de son être ; elle souffre d’un éternel flux de sang. La part mauvaise de son activité se concentre dans les démons ; l’autre partie,

  1. Προυνικός veut dire lascif. C’est une forme de Πόθος, le Désir, ou Apason (phén. = hébr. hepson), des cosmogonies asiatiques. Cf. Celse, dans Orig., VI, 34. Les gnostiques identifiaient Prunice avec l’hémorroïsse de l’Évangile, et c’est là probablement l’origine de la Véronique. V. Maury, Croy. et lég., p. 333 et suiv. Rapprochez la statue élevée par l’hémorroïsse (Eus., H. E., VII, 81) des portraits de Jésus que prétendaient posséder les carpocratiens. Irén., I, xxv, 6 ; Épiph., xxvii, 6. Cf. Macarius Magnés, p. 1 de l’édit. Blondel ; Pitra, Spicil. Sol., I, p. 332, 333.