Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/140

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n’eût pas fréquentés. Peut-être Jésus trouvait-il dans cette société en dehors des règles communes plus de distinction et de cœur que dans une bourgeoisie pédante, formaliste, orgueilleuse de son apparente moralité. Les pharisiens, exagérant les prescriptions mosaïques, en étaient venus à se croire souillés par le contact des gens moins sévères qu’eux ; on touchait presque pour les repas aux puériles distinctions des castes de l’Inde. Méprisant ces misérables aberrations du sentiment religieux, Jésus aimait à dîner chez ceux qui en étaient les victimes ; on voyait à table à côté de lui des personnes que l’on disait de mauvaise vie, peut-être pour cela seul, il est vrai, qu’elles ne partageaient pas les ridicules des faux dévots. Les pharisiens et les docteurs criaient au scandale. « Voyez, disaient-ils, avec quelles gens il mange ! » Jésus avait alors de fines réponses, qui exaspéraient les hypocrites : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin de médecin ; » ou bien : « Le berger qui a perdu une brebis sur cent laisse les quatre-vingt-dix-neuf autres pour courir après la perdue, et, quand il l’a trouvée, il la rapporte avec joie sur ses épaules ; » ou bien : « Le Fils de l’homme est venu sauver ce qui était perdu ; » ou encore : « Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs ; » enfin cette délicieuse parabole du fils prodigue, où celui qui a failli est présenté comme ayant une sorte de privilége d’amour sur celui qui a toujours été juste. Des