Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/205

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justement nous a conservé l’incident de la synagogue de Capharnahum, ne parle pas d’un tel acte, quoiqu’il raconte la dernière cène fort au long. Ailleurs, nous voyons Jésus reconnu à la fraction du pain, comme si ce geste eût été pour ceux qui l’avaient fréquenté le plus caractéristique de sa personne. Quand il fut mort, la forme sous laquelle il apparaissait au pieux souvenir de ses disciples était celle de président d’un banquet mystique, tenant le pain, le bénissant, le rompant et le présentant aux assistants. On peut croire que c’était là une de ses habitudes, et qu’à ce moment il était particulièrement aimable et attendri. Une circonstance matérielle, la présence du poisson sur la table (indice frappant qui prouve que le rite se constitua sur le bord du lac de Tibériade), fut elle-même presque sacramentelle et devint une partie nécessaire des images qu’on se fit du festin sacré.

Les repas étaient devenus dans la communauté naissante un des moments les plus doux. À ce moment, on se rencontrait ; le maître parlait à chacun et entretenait une conversation pleine de gaieté et de charme. Jésus aimait cet instant et se plaisait à voir sa famille spirituelle ainsi groupée autour de lui. La participation au même pain était considérée comme une sorte de communion, de lien réciproque. Le maître usait à cet égard de termes extrêmement énergiques, qui furent pris plus tard avec une littéralité effrénée. Jésus est à la fois très-