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Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/211

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ciel leurs nids ; mais le fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête. » Il accusait les incrédules de se refuser à l’évidence, et disait que, même à l’instant où le fils de l’homme apparaîtrait dans sa pompe céleste, il y aurait encore des gens pour douter de lui.

L’obstacle invincible aux idées de Jésus venait surtout du judaïsme orthodoxe, représenté par les pharisiens. Jésus s’éloignait de plus en plus de l’ancienne Loi. Or, les pharisiens étaient les vrais Juifs, le nerf et la force du judaïsme. Quoique ce parti eût son centre à Jérusalem, il avait cependant des adeptes établis en Galilée, ou qui y venaient souvent. C’étaient en général des hommes d’un esprit étroit, donnant beaucoup à l’extérieur, d’une dévotion dédaigneuse, officielle, satisfaite et assurée d’elle-même. Leurs manières étaient ridicules et faisaient sourire même ceux qui les respectaient. Les sobriquets que leur donnait le peuple, et qui sentent la caricature, en sont la preuve. Il y avait le « pharisien bancroche » (nikfi), qui marchait dans les rues en traînant les pieds et les heurtant contre le» cailloux ; le « pharisien front sanglant » (kizaï), qui allait les yeux fermés pour ne pas voir les femmes, et se choquait le front contre les murs, si bien qu’il l’avait toujours ensanglanté ; le « pharisien pilon » (medou kia), qui se tenait plié en deux comme le manche d’un pilon ; le « pharisien fort d’épaules » (schikmi), qui marchait le dos voûté comme s’il portait sur ses épaules