Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/219

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autres ont donné de leur superflu ; elle, de son nécessaire. » Cette façon de regarder en critique tout ce qui se faisait à Jérusalem, de relever le pauvre qui donnait peu, de rabaisser le riche qui donnait beaucoup, de blâmer le clergé opulent qui ne faisait rien pour le bien du peuple, exaspéra naturellement la caste sacerdotale. Siége d’une aristocratie conservatrice, le temple, comme le haram musulman qui lui a succédé, était le dernier endroit du monde où la révolution pût réussir. C’était là pourtant le centre de la vie juive, le point où il fallait vaincre ou mourir. Sur ce calvaire, où certainement Jésus souffrit plus qu’au Golgotha, ses jours s’écoulaient dans la dispute et l’aigreur, au milieu d’ennuyeuses controverses de droit canon et d’exégèse, pour lesquelles sa grande élévation morale lui donnait peu d’avantage, que dis-je ? lui créait une sorte d’infériorité.

Au sein de cette vie troublée, le cœur sensible et bon de Jésus réussit à se créer un asile où il jouit de beaucoup de douceur. Après avoir passé la journée aux disputes du temple, Jésus descendait le soir dans la vallée du Cédron, prenait un peu de repos dans le verger d’un établissement agricole (probablement une exploitation d’huile) nommé Gethsémani, qui servait de lieu de plaisance aux habitants, et allait passer la nuit sur le mont des Oliviers, qui borne au levant l’horizon de la ville. Ce côté est le seul, aux environs de Jérusalem,