Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/221

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une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera point enlevée. » Le frère, Éléazar, ou Lazare, était aussi fort aimé de Jésus. Enfin, un certain Simon le Lépreux, qui était le propriétaire de !a maison, faisait, ce semble, partie de la famille. C’est là qu’au sein d’une pieuse amitié Jésus oubliait les dégoûts de la vie publique. Dans ce tranquille intérieur, il se consolait des tracasseries que les pharisiens et les scribes ne cessaient de lui susciter. Il s’asseyait souvent sur le mont des Oliviers, en face du mont Moria, ayant sous les yeux la splendide perspective des terrasses du temple et de ses toits couverts de lames étincelantes. Cette vue frappait d’admiration les étrangers ; au lever du soleil surtout, la montagne sacrée éblouissait les yeux et paraissait comme une masse de neige et d’or. Mais un profond sentiment de tristesse empoisonnait pour Jésus le spectacle qui remplissait tous les autres Israélites de joie et de fierté. « Jérusalem, Jérusalem, qui tuas les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, s’écriait-il dans ces moments d’amertume, combien de fois j’ai essayé de rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses petits sous ses ailes, et tu n’as pas voulu ! »

Ce n’est pas que plusieurs bonnes âmes, ici comme en Galilée, ne se laissassent toucher. Mais tel était le poids de l’orthodoxie dominante que très-peu osaient l’avouer. On craignait de se décréditer aux yeux des