Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/240

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L’usage était de venir à Jérusalem plusieurs jours avant la Pâque, afin de s’y préparer. Jésus arriva après les autres, et un moment ses ennemis se crurent frustrés de l’espoir qu’ils avaient eu de le saisir. Le sixième jour avant la fête (samedi, 8 de nisan = 28 mars), il atteignit enfin Béthanie. Il descendit, selon son habitude, dans la maison de Lazare, Marthe et Marie, ou de Simon le Lépreux. On lui fit un grand accueil. Il y eut chez Simon le Lépreux un dîner où se réunirent beaucoup de personnes, attirées par le désir de le voir. Marthe servait, selon sa coutume. Il semble qu’on cherchât par un redoublement de respects extérieurs à vaincre la froideur du public et à marquer fortement la haute dignité de l’hôte qu’on recevait. Marie, pour donner au festin un plus grand air de fête, entra pendant le dîner, portant un vase de parfum qu’elle répandit sur les pieds de Jésus. Elle cassa ensuite le vase, selon un vieil usage qui consistait à briser la vaisselle dont on s’était servi pour traiter un étranger de distinction. Enfin, poussant les témoignages de son culte à des excès jusque-là inconnus, elle se prosterna et essuya avec ses longs cheveux les pieds de son maître. La maison fut remplie de la bonne odeur du parfum, à la grande joie de tous, excepté de l’avare Juda de Kerioth. Eu égard aux habitudes économes de la communauté, c’était là une vraie prodigalité. Le trésorier avide calcula tout de suite combien le parfum aurait pu être vendu et ce qu’il eût rapporté