Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/246

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par catégories si absolues. L’avarice, que les synoptiques donnent pour motif au crime dont il s’agit, ne suffit pas pour l’expliquer. Il serait singulier qu’un homme qui tenait la caisse et qui savait ce qu’il allait perdre par la mort du chef, eût échangé les profits de son emploi contre une très-petite somme d’argent. Juda avait-il été blessé dans son amour-propre par la semonce qu’il reçut au dîner de Béthanie ? Cela ne suffit pas encore. Jean voudrait en faire un voleur, un incrédule depuis le commencement, ce qui n’a aucune vraisemblance. On aime mieux croire à quelque sentiment de jalousie, à quelque dissension intestine. La haine particulière que Jean témoigne contre Juda confirme cette hypothèse. D’un cœur moins pur que les autres, Juda aura pris, sans s’en apercevoir, les sentiments étroits de sa charge. Par un travers fort ordinaire dans les fonctions actives, il en sera venu à mettre les intérêts de la caisse au-dessus de l’œuvre même à laquelle elle était destinée. L’administrateur aura tué l’apôtre. Le murmure qui lui échappe à Béthanie semble supposer que parfois il trouvait que le maître coûtait trop cher à sa famille spirituelle. Sans doute cette mesquine économie avait causé dans la petite société bien d’autres froissements.

Chaque minute, à ce moment, devient solennelle et a compté plus que des siècles entiers dans l’histoire de l’humanité. Nous sommes arrivés au jeudi, 13 de nisan (2 avril). C’était le lendemain soir que commençait la