Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/28

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Humbles serviteurs et servantes de Dieu, qui portez le poids du jour et de la chaleur ; ouvriers qui travaillez de vos bras à bâtir le temple que nous élevons à l’esprit ; prêtres vraiment saints qui gémissez en silence de la domination d’orgueilleux sadducéens ; pauvres femmes qui souffrez d’un état social où la part du bien est encore faible ; ouvrières pieuses et résignées au fond de la froide cellule où le Seigneur est avec vous, venez à la fête qu’un jour Dieu, en son sourire, prépara pour les simples de cœur. Vous êtes les vrais disciples de Jésus. Si ce grand maître revenait, où croyez-vous qu’il reconnaîtrait la vraie postérité de la troupe aimable et fidèle qui l’entourait sur le bord du lac de Génésareth ? Serait-ce parmi les défenseurs de symboles qu’il ne connaissait pas, dans une église officielle qui favorise tout ce qu’il a combattu, parmi les partisans d’idées vieillies associant sa cause à leurs intérêts et à leurs passions ? Non ; ce serait parmi nous, qui aimons la vérité, le progrès, la liberté. Et, si un jour il s’armait du fouet pour chasser les hypocrites, en qui pensez-vous qu’il reconnaîtrait le pharisien de sa parabole ? En ceux qui disent : « O Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme ce grand coupable, ce malheureux, cet homme de néant, » ou en ceux qui disent : « O toi, que je méconnais peut-être, mais que j’aime et qui dois rechercher avant tout l’hommage d’un cœur sincère, révèle-toi, car ce que je veux, c’est te voir ? » Considérez l’horizon ; on y sent poindre une aurore, la délivrance par la résignation, le travail, la bonté, le soutien réciproque ; la délivrance par la science, qui, pénétrant les lois de l’humanité et assujettissant de plus en plus la matière, fondera la dignité de tous les hommes et la vraie liberté. Préparons, en faisant chacun notre devoir, ce paradis de l’avenir. Pour moi, je serai heureux si un moment, avec ces récits du passé, je vous ai fait oublier le présent, si j’ai renouvelé pour vous la douceur de cette idylle sans pareille qui, il y a dix-huit cents ans, ravit de joie quelques humbles comme vous.