Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/280

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ayant lutté trois cents ans pour la liberté de conscience, le christianisme, malgré les chutes qui ont suivi, recueille encore les fruits de cette excellente origine. Pour se renouveler, il n’a qu’à revenir à l’Évangile. Le royaume de Dieu, tel que nous le concevons, diffère notablement de l’apparition surnaturelle que les premiers chrétiens espéraient voir éclater dans les nues. Mais le sentiment que Jésus a introduit dans le monde est bien le nôtre. Son parfait idéalisme est la plus haute règle de la vie détachée et vertueuse. Il a créé le ciel des âmes pures, où se trouve ce qu’on demande en vain à la terre, la parfaite noblesse des enfants de Dieu, la sainteté absolue, la totale abstraction des souillures du monde, la liberté enfin, que la société réelle exclut comme une impossibilité, et qui n’a toute son amplitude que dans le domaine de la pensée. Le grand maître de ceux qui se réfugient en ce royaume de Dieu idéal est encore Jésus. Le premier, il a proclamé la royauté de l’esprit ; le premier, il a dit, au moins par ses actes : « Mon royaume n’est pas de ce monde. » La fondation de la vraie religion est bien son œuvre. Après lui, il n’y a plus qu’à développer et à féconder.

« Christianisme » est ainsi devenu presque synonyme de « religion. » Tout ce qu’on fera en dehors de cette grande et bonne tradition chrétienne sera stérile. Jésus a fondé la religion dans l’humanité, comme Socrate y a fondé la philosophie, comme Aristote y a fondé la science.