Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/34

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quelque peu et que l’on atteigne le plateau fouetté d’une brise perpétuelle qui domine les plus hautes maisons, la perspective est splendide. A l’ouest, se déploient les belles lignes du Carmel, terminées par une pointe abrupte qui semble se plonger dans la mer. Puis se déroulent le double sommet qui domine Mageddo, les montagnes du pays de Sichem avec leurs lieux saints de l’âge patriarcal, les monts Gelboé, le petit groupe pittoresque auquel se rattachent les souvenirs gracieux ou terribles de Sulem et d’Endor, le Thabor avec sa belle forme arrondie, que l’antiquité comparait à un sein. Par une dépression entre la montagne de Sulem et le Thabor, s’entrevoient la vallée du Jourdain et les hautes plaines de la Pérée, qui forment du côté de l’est une ligne continue. Au nord, les montagnes de Safed, en s’inclinant vers la mer, dissimulent Saint-Jean-d’Acre, mais laissent se dessiner aux yeux le golfe de Khaïfa. Tel fut l’horizon de Jésus. Ce cercle enchanté, berceau du royaume de Dieu, lui représenta le monde durant des années. Sa vie même sortit peu des limites familières à son enfance. Car au delà, du côté du nord, l’on entrevoit presque, sur les flancs de l’Hermon, Césarée de Philippe, sa pointe la plus avancée dans le monde des gentils, et, du côté du sud, on pressent, derrière ces montagnes déjà moins riantes de la Samarie, la triste Judée, desséchée comme par un vent brûlant d’abstraction et de mort. Si jamais le monde resté chrétien, mais arrivé à une