Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/49

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et les adorateurs de Jéhovah se crurent frères. La Perse était arrivée à une sorte de monothéisme. Israël se reposa sous les Achéménides, et, sous Xerxès (Assuérus), se fit redouter des Iraniens eux-mêmes. Mais l’entrée triomphante et souvent brutale de la civilisation grecque et romaine en Asie le rejeta dans ses rêves. Plus que jamais, il invoqua le Messie comme juge et vengeur des peuples. Il lui fallut un renouvellement complet, une révolution prenant le globe à ses racines et l’ébranlant de fond en comble, pour satisfaire l’énorme besoin de vengeance qu’excitaient chez lui le sentiment de sa supériorité et la vue de ses humiliations.

Jésus, dès qu’il eut une pensée, entra dans la brûlante atmosphère que créaient en Palestine les idées que nous venons d’exposer. Ces idées ne s’enseignaient à aucune école ; mais elles étaient dans l’air, et son âme en fut de bonne heure pénétrée. Nos hésitations, nos doutes ne l’atteignirent jamais. Ce sommet de la montagne de Nazareth, où nul homme moderne ne peut s’asseoir sans un sentiment inquiet sur sa destinée, peut-être frivole, Jésus s’y est assis vingt fois sans un doute. Délivré de l’égoïsme, source de nos tristesses, il ne pensa qu’à son œuvre, à sa race, à l’humanité. Ces montagnes, cette mer, ce ciel d’azur, ces hautes plaines à l’horizon, furent pour lui non la vision mélancolique d’une âme qui interroge la nature sur son sort, mais le