Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/73

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relevait ses aphorismes ; d’autres fois, leur forme vive tenait à l’heureux emploi de proverbes populaires. « Comment peux-tu dire à ton frère : « Permets que j’ôte « cette paille de ton œil, » toi qui as une poutre dans le tien ? Hypocrite ! ôte d’abord la poutre de ton œil, et alors tu penseras à ôter la paille de l’œil de ton frère. »

Ces leçons, longtemps renfermées dans le cœur du jeune maître, groupaient déjà quelques initiés. L’esprit du temps était aux petites Églises ; c’était le moment des esséniens ou thérapeutes. Des rabbis ayant chacun leur enseignement, Schemaïa, Abtalion, Hillel, Schammaï, Juda le Gaulonite, Gamaliel, tant d’autres dont les maximes ont composé le Talmud, apparaissaient de toutes parts. On écrivait très-peu ; les docteurs juifs de ce temps ne faisaient pas de livres : tout se passait en conversations et en leçons publiques, auxquelles on cherchait à donner un tour facile à retenir. Le jour où le jeune charpentier de Nazareth commença à produire au dehors ces maximes, pour la plupart déjà répandues, mais qui, grâce à lui, devaient régénérer le monde, ce ne fut donc pas un événement. C’était un rabbi de plus (il est vrai, le plus charmant de tous), et autour de lui quelques jeunes gens avides de l’entendre et cherchant l’inconnu. L’inattention des hommes veut du temps pour être forcée. Il n’y avait pas encore de chrétiens ; le vrai christianisme cependant était fondé, et jamais sans