Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/82

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cette pensée que le riche est obligé de partager ce qu’il a. Le pauvre apparaît déjà comme celui qui doit bénéficier en première ligne du royaume de Dieu.

Quoique le centre d’action de Jean fût la Judée, sa renommée pénétra vite en Galilée et arriva jusqu’à Jésus, qui avait déjà formé autour de lui par ses premiers discours un petit cercle d’auditeurs. Jouissant encore de peu d’autorité, et sans doute aussi poussé par le désir de voir un maître dont les enseignements avaient beaucoup de rapports avec ses propres idées, Jésus quitta la Galilée et se rendit avec sa petite école auprès de Jean. Les nouveaux venus se firent baptiser comme tout le monde. Jean accueillit très-bien cet essaim de disciples galiléens, et ne trouva pas mauvais qu’ils restassent distincts des siens. Les deux maîtres avaient beaucoup d’idées communes ; ils s’aimèrent et luttèrent devant le public de prévenances réciproques. La jeunesse est capable de toutes les abnégations, et il est permis d’admettre que les deux jeunes enthousiastes, pleins des mêmes espérances et des mêmes haines, aient fait cause commune et se soient appuyés réciproquement. Ces bonnes relations devinrent ensuite le point de départ de tout un système développé par les évangélistes, et qui consista à donner pour première base à la mission divine de Jésus l’attestation de Jean. Tel était le degré d’autorité conquis par le baptiste, qu’on ne croyait pouvoir trouver au monde un meilleur garant. Mais,