Page:Renan - Jesus, Levy, 1864.djvu/88

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de régions plus désolées, plus abandonnées de Dieu, plus fermées à la vie que la pente rocailleuse qui forme le bord occidental de la mer Morte. On crut que, pendant le temps qu’il passa dans cet affreux pays, il avait traversé di terribles épreuves, que Satan l’avait effrayé de ses illusions ou bercé de séduisantes promesses, qu’ensuite les anges pour le récompenser de sa victoire étaient venus le servir.

Ce fut probablement en sortant du désert que Jésus apprit l’arrestation de Jean-Baptiste. Il n’avait plus de raisons désormais de prolonger son séjour dans un pays qui lui était à demi étranger. Il regagna la Galilée, sa vraie patrie, mûri par une importante expérience et ayant puisé dans le contact avec un grand homme, fort différent de lui, le sentiment de sa propre originalité.

En somme, l’influence de Jean avait été plus fâcheuse qu’utile à Jésus. Elle fut un arrêt dans son développement ; tout porte à croire qu’il avait, quand il descendit vers le Jourdain, des idées supérieures à celles de Jean, et que ce fut par une sorte de concession qu’il inclina un moment vers le baptisme. Peut-être si le baptiste, à l’autorité duquel il lui aurait été difficile de se soustraire, fût resté libre, n’eût-il pas su rejeter le joug des rites et des pratiques matérielles, et alors sans doute il fût resté un sectaire juif inconnu ; car le monde n’eût pas abandonné des pratiques pour d’autres. C’est par l’attrait