Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/142

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les meilleures choses, en changeant légèrement de nom et de nuance, peuvent être prises par ce côté. Le nom de pédantisme, qui, si on ne le définit nettement, peut être si mal appliqué, et qui pour les esprits légers est à peu près synonyme de toute recherche sérieuse et savante, est ainsi devenu un épouvantail pour les esprits fins et délicats, qui ont souvent mieux aimé rester superficiels que de donner prise à cette attaque, la plus sensible pour nous. Ce scrupule a été poussé si loin, qu’on a vu des critiques de l’esprit le plus distingué rendre à dessein leur expression incomplète, plutôt que d’employer le mot de l’école, alors qu’il était le mot propre. Le jargon scolastique, quand il ne cache aucune pensée, ou qu’il ne fait que servir de parade à d’étroits esprits, est fade et ridicule. Mais vouloir bannir le style exact et technique, qui seul peut exprimer certaines nuances délicates ou profondes de la pensée, c’est tomber dans un purisme aussi peu raisonnable. Kant et Hegel, ou même des esprits aussi dégagés de l’école que Herder, Schiller et Goethe, n’échapperaient point à ce prix à notre terrible accusation de pédantisme.

Félicitons nos voisins de n’avoir point ces entraves, qui pourtant, il faut le dire, leur seraient moins nuisibles qu’à nous. Chez eux, l’école et la science se touchent ; chez nous, tout enseignement supérieur qui, par sa manière, sent encore le collège, est déclaré de mauvais ton et insupportable ; on croit faire preuve de finesse en se mettant au dessus de tout ce qui rappelle l’enseignement des classes. Chacun se passe cette petite vanité, et croit prouver par là qu’il a bien dépassé son époque de pédagogie. Croira-t-on que, dans des cérémonies analogues à nos distributions de prix, où les frais d’éloquence sont chez nous de rigueur, les Allemands se bornent à des lectures de dis-