Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/160

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renferment sur les littératures syriaque et arabe, deux faces très secondaires sans doute, mais enfin deux faces de l’esprit humain.

Il est facile de jeter le ridicule sur ces tentatives de restauration de littératures obscures et souvent médiocres. Cela vient de ce qu’on ne comprend pas dans toute son étendue et son infinie variété la science de l’esprit humain. Un savant élève de M. Burnouf, M. Foucaux, essaie depuis quelques années de fonder en France des études tibétaines. Je m’étonnerais bien si sa louable entreprise ne lui a pas déjà valu plus d’une épigramme ; eh bien ! je déclare, moi, que M. Foucaux fait une œuvre plus méritoire pour la philosophie de l’avenir que les trois quarts de ceux qui se posent en philosophes et en penseurs. Quand M. Hodgson découvrit dans les monastères du Népal les monuments primitifs du buddhisme indien, il servit plus la pensée que n’aurait pu faire une génération de métaphysiciens scolastiques. Il fournissait un des éléments les plus essentiels pour l’explication du christianisme et de l’Évangile, en dévoilant à la critique une des plus curieuses apparitions religieuses et le seul fait qui ait une analogie intime avec le plus grand phénomène de l’histoire de l’humanité. Celui qui nous rapporterait de l’Orient quelques ouvrages zends ou pehlvis, qui ferait connaître à l’Europe les poèmes épiques et toute la civilisation des Radjpoutes, qui pénétrerait dans les bibliothèques des Djaïns du Guzarate, ou qui nous ferait connaître exactement les livres de la secte gnostique qui se conserve encore sous le nom de meudéens ou de nasoréens, celui-là serait certain de poser une pierre éternelle dans le grand édifice de la science de l’humanité. Quel est le penseur abstrait qui peut avoir la même assurance ?