Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/181

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chaque science la partie technique et spéciale, qui n’a de valeur qu’en tant qu’elle sert à la découverte et à l’exposition, et les résultats généraux que la science en question fournit pour son compte à la solution du problème des choses. La philosophie est cette tête commune, cette région centrale du grand faisceau de la connaissance humaine, où tous les rayons se touchent dans une lumière identique. Il n’est pas de ligne qui, suivie jusqu’au bout, ne mène à ce foyer. La psychologie, que l’on s’est habitué à considérer comme la philosophie tout entière n’est après tout qu’une science comme une autre ; peut-être n’est-ce même pas celle qui fournit les résultats les plus philosophiques. La logique entendue comme l’analyse de la raison n’est qu’une partie de la psychologie ; envisagée comme un recueil de procédés pour conduire l’esprit à la découverte de )a vérité, elle est tout simplement inutile, puisqu’il n’est pas possible de donner des recettes pour trouver le vrai. La culture délicate et l’exercice multiple de l’esprit sont à ce point de vue la seule logique légitime. La morale et la théodicée ne sont pas des sciences à part ; elles deviennent lourdes et ridicules, quand on veut les traiter suivant un cadre scientifique et défini : elles ne devraient être que le son divin résultant de toute chose, ou tout au plus l’éducation esthétique des instincts purs de l’âme, dont l’analyse rentre dans la psychologie. De quel droit donc formerait-on un ensemble ayant droit de s’appeler philosophie, puisque cet ensemble, dans les seules limites qu’on puisse lui assigner, a déjà un nom particulier, qui est la psychologie (72).

L’antiquité avait merveilleusement compris cette haute et large acception de la philosophie. La philosophie était pour elle le sage, le chercheur, Jupiter sur le mont Ida,