Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/284

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non pas de telle ou telle expérience, mais d’un mode d’induction très général, résultant de la physionomie générale des phénomènes. Il est incontestable que l’astronomie, en révélant à l’homme la structure de l’univers, le rang et la position de la terre, l’ordre qu’elle occupe dans le système du monde, a plus fait pour la vraie science de l’homme que toutes les spéculations imaginables fondées sur la considération exclusive de la nature humaine (110). Cette considération, en effet, mènerait ou à l’ancien finalisme, qui faisait de l’homme le centre de l’univers, ou à l’hégélianisme pur, qui ne reconnaît d’autre manifestation de la conscience divine que l’humanité. Mais l’étude du système du monde et de la place que l’homme y occupe, sans renverser aucune de ces deux conceptions, défend de les prendre d’une manière trop absolue et trop exclusive. L’idée de l’infini est une des plus fondamentales de la nature humaine, si elle n’est pas toute la nature humaine ; et pourtant l’homme ne fût point arrivé à comprendre dans sa réalité l’infini des choses, si l’étude expérimentale du monde ne l’y eût amené. Certes, ce n’est pas le télescope qui lui a révélé l’infini mais c’est le télescope qui l’a conduit aux limites extrêmes ; au delà desquelles est encore l’infini des mondes. La géologie, en apprenant à l’homme l’histoire de notre globe, l’époque de l’apparition de l’humanité, les conditions de cette apparition et des créations qui l’ont précédée, n’a-t-elle pas introduit dans la philosophie un élément tout aussi essentiel ? La physique et la chimie ont plus fait pour la connaissance de la constitution intime des corps que toutes les spéculations des anciens et modernes philosophes sur les qualités abstraites de la matière, son essence, sa divisibilité. La physiologie et l’anatomie