Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/29

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se contenter du jugement d’habitude sur lequel elle se reposait auparavant.

Ce sont ces réflexions, Monsieur, que j’ai faites pour moi-même, solitaire et calme au milieu de l’agitation universelle, et que j’ai déposées dans ces pages. Grâce aux sentiments qu’elles m’ont inspirés, j’ai traversé de tristes jours sans maudire personne, plein de confiance dans la rectitude naturelle de l’esprit humain et dans sa tendance nécessaire à un état plus éclairé, plus moral et par là plus heureux. Ce n’est pas sans avoir eu à vaincre quelque pudeur que je me suis décidé à dévoiler ainsi mes pensées de jeunesse, pour lesquelles peut-être à un autre âge je me ferai critique, et qui auront sans doute bien peu de valeur aux yeux des personnes avancées dans la carrière scientifique. J’ai pensé toutefois que quelques jeunes âmes, amoureuses du beau et du vrai, trouveraient dans cette confidence consolation et appui, au milieu des luttes que doit livrer à un certain âge tout esprit distingué pour découvrir et se formuler l’idéal de sa vie. J’ai voulu aussi professer, à mon début dans la science, ma foi profonde à la raison et à l’esprit moderne, dans un moment où tant d’âmes affaissées se laissent défaillir entre les bras de ceux qui regrettent l’ignorance et maudissent la critique. Que ceux qui exploitent nos faiblesses, et qui, escomptant par avance nos malheurs, fondent leurs