Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/307

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ait été d’abord un fait exclusivement juif. Le christianisme est à leurs yeux l’oeuvre de l’humanité entière, Socrate y a préludé, Platon y a travaillé, Térence et Virgile sont déjà chrétiens, Sénèque plus encore. Cela est vrai, parfaitement vrai, pourvu qu’on sache l’entendre. Le christianisme n’est réellement devenu ce qu’il est que quand l’humanité l’a adopté comme expression des besoins et des tendances qui la travaillaient depuis longtemps. Le christianisme, tel que nous l’avons, renferme en effet des éléments de toute date et de tout pays. Mais ce qu’il importe de mettre en lumière, ce qui n’est, pas suffisamment remarqué, c’est que le germe primitif est tout juif ; c’est qu’il y a simple simultanéité entre l’apparition de Jésus et le christianisme anticipé du monde gréco-latin c’est que l’Évangile et saint Paul doivent être expliqués par le Talmud et non par Platon (121). La terre où le christianisme puisa son suc et étendit ses racines, c’est l’humanité, et surtout le monde gréco-latin ; mais le noyau d’où l’arbre est sorti est tout juif. C’est l’histoire de cette curieuse embryogénie, l’histoire des racines du christianisme, jusqu’au moment où l’arbre sort de terre, tandis qu’il n’est encore que secte juive, jusqu’au moment où il est adopté ou absorbé, si l’on veut, par les nations, que j’ai voulu indiquer ici. Elle est toute à deviner : ni chrétiens, ni juifs, ni païens ne nous ont transmis rien d’historique sur cette première apparition ni sur le principal héros. Mais la critique peut retrouver l’histoire sous la légende, ou du moins retracer la physionomie caractéristique de l’époque et de ses œuvres. La précision scolastique, ici comme toujours, exclut la critique. On peut s’adresser sur la résurrection, sur les miracles évangéliques, sur