Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/317

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un sens, qui ne nous permettra jamais d’en avoir la parfaite intelligence. Que de fois, en réfléchissant sur la mythologie de l’Inde par exemple, j’ai été frappé de l’impossibilité absolue où nous sommes d’en comprendre l’âme et la vie ! Nous sommes là en présence d’œuvres profondément expressives, riches de significations pour une portion de l’humanité, nous sceptiques, nous analystes. Comment nous diraient-elles tout ce qu’elles leur disent ? Ceux-là peuvent comprendre le Christ qui y ont cru ; de même, pour comprendre, dans toute leur portée, ces sublimes créations, il faudrait y avoir cru, ou plutôt (car le mot croire n’a pas de sens dans ce monde de la fantaisie) il faudrait avoir vécu avec elles. Ne serait-il pas possible de réaliser ce prodige par un progrès de l’esprit scientifique, qui rendrait profondément sympathique à tout ce qu’a fait l’humanité ? Je ne sais : il est sûr au moins que, ces systèmes renfermant des atomes plus ou moins précieux de nature humaine, c’est-à-dire de vérité, celui qui saurait les entendre y trouverait une solide nourriture. En général, on peut être assuré que, quand une œuvre de l’esprit humain apparaît comme trop absurde ou trop bizarre, c’est qu’on ne la comprend pas, ou qu’on la prend à faux. Si on se plaçait au vrai jour, on en verrait la raison.

J’ai voulu montrer par quelques exemples à quels résultats philosophiques peuvent mener des sciences de pure érudition et combien est injuste le mépris que certains esprits, doués d’ailleurs du sens philosophique, déversent sur ces études. Que serait-ce si, abordant la philosophie de l’histoire, je montrais que cette science merveilleuse, qui sera un jour la science maîtresse, n’arrivera à se constituer d’une manière sérieuse et digne que par le secours