Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/367

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d’attendre, pour faire prévaloir sa découverte, l’adhésion du suffrage universel. Un empirique qui crie bien haut qu’il a trouvé la solution, qu’elle est claire comme le jour, qu’il faut avoir la mauvaise foi de gens intéresses pour s’y refuser, qui répète tous les jours dans les colonnes d’un journal de banales déclamations ; celui-là, incontestablement, fera plus vite fortune que celui qui attend le succès de la science et de la raison.

Qu’il soit donc bien reconnu que ceux qui se refusent à éclairer le peuple sont des gens qui veulent l’exploiter, et qui ont besoin de son aveuglement pour réussir. Honte à ceux qui, en parlant d’appel au peuple, savent bien qu’ils ne font appel qu’a l’imbécillité ! Honte à ceux qui fondent leurs espérances sur la stupidité, qui se réjouissent de la multitude des sots comme de la multitude de leurs partisans, et croient triompher quand, grâce a une ignorance qu’ils ont faite et qu’ils entretiennent, ils peuvent dire : Vous voyez bien que le peuple ne veut pas de vos idées modernes. S’il n’y avait plus d’imbéciles à jouer, le métier des sycophantes et des flatteurs du peuple tomberait bien vite. Les moyens immoraux de gouvernement, police machiavélique, restrictions à certaines libertés naturelles, etc., ont été jusqu’ici nécessaires et légitimes. Ils cesseront de l’être, quand l’État sera composé d’hommes intelligents et cultivés. La question de la réforme gouvernementale n’est donc plus politique ; elle est morale et religieuse ; le ministère de l’Instruction publique est le plus sérieux, ou, pour mieux dire, le seul sérieux des ministères. Que l’on parcoure toutes les antinomies nécessaires de la politique actuelle, on reconnaîtra, ce me semble, que la réhabilitation intellectuelle du peuple est le remède a toutes, et que les institutions les plus libérales seront