Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/476

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volcans, pour les glaces ou les flammes. Mais ce qu’il y a de sûr, c’est que la connaissance et la réalisation du beau auront eu leur prix, et que la science, comme la vertu, pose dans le monde des faits d’une indiscutable valeur.

Les mystiques chrétiens ont développé sous toutes les formes ce thème favori que Marie, symbole de la contemplation, a dès ce monde la meilleure part, et que celui qui a embrassé la vie parfaite trouve ici-bas une récompense suffisante. Cela est vrai à la lettre de la science. Une des plus nobles âmes des temps modernes, Fichte, nous assure qu’il était arrivé au bonheur parfait et que par moments il goûtait de telles jouissances, qu’il en avait presque peur (184). Le pauvre homme ! en même temps il mourait de misère. Que de fois, dans ma pauvre chambre, au milieu de mes livres, j’ai goûté la plénitude du bonheur, et j’ai défié le monde entier de procurer à qui que ce soit des joies plus pures que celles que je trouvais dans l’exercice calme et désintéressé de ma pensée ! Que de fois, laissant tomber ma plume, et abandonnant mon âme à ces mille sentiments qui, en se croisant, produisent un soulèvement instantané de tout notre être, j’ai dit au ciel : Donne-moi seulement la vie, je me charge du reste !

Plût à Dieu que toutes les âmes vives et pures fussent convaincues que la question de l’avenir de l’humanité est tout entière une question de doctrine et de croyance, et que la philosophie seule, c’est-à-dire la recherche rationnelle, est compétente pour la résoudre ! La révolution réellement efficace, celle qui donnera la forme à l’avenir, ne sera pas une révolution politique, ce sera une révolution religieuse et morale ; La politique a fourni tout ce qu’elle pouvait fournir ; c’est désormais un champ aride et épuisé, une lutte de passions et d’intrigues, fort indiffé-