fallu des siècles pour arriver à formuler ce système d’une manière complète, en ordonnant à l’homme d’aimer Dieu. Ce n’est pas que je blâme entièrement la méthode d’anthropomorphisme psychologique. Dieu étant l’idéal de chacun, il convient que chacun le façonne à sa manière et sur son propre modèle. Il ne faut donc pas craindre d’y mettre tout ce qu’on peut imaginer de bonté et de beauté. Mais c’est une faute contre toute critique que de prétendre ériger une telle méthode en méthode scientifique, et de faire d’une construction idéale une discussion objective sur les qualités d’un être. Disons que l’être suprême possède éminemment tout ce qui est perfection, disons qu’il y a en lui quelque chose d’analogue à l’intelligence, à la liberté ; mais ne disons pas qu’il est intelligent, qu’il est libre : car c’est essayer de limiter l’infini, de nommer l’ineffable (192).
On s’est accoutumé à considérer le monothéisme comme une conquête définitive et absolue, au delà de laquelle il n’y a plus de progrès ultérieur. A mes yeux, le monothéisme n’est, comme le polythéisme, qu’un âge de la religion de l’humanité. Ce mot d’ailleurs est loin de désigner une doctrine absolument identique. Notre monothéisme n’est qu’un système comme un autre, supposant il est vrai des notions très avancées, mais relatif comme tout autre. C’est le système juif, c’est Jéhova. Ni le polythéisme ancien, qui renfermait aussi une si grande part de vérité ; ni l’Inde, si savante sur Dieu, ne comprirent les choses de cette manière. Le déva de l’Inde est un être supérieur à l’homme, nullement notre Dieu. Quoique le système juif soit entré dans toutes nos habitudes intellectuelles, il ne doit pas nous faire oublier ce qu’il y avait dans les autres systèmes de profond et de