NOTES
(1) Cette tendance à placer l’idéal dans le passé est particulière aux siècles qui reposent sur un dogme inattaqué et traditionnel. Au contraire, les siècles ébranlés et sans doctrine, comme le nôtre, doivent nécessairement en appeler à l’avenir, puisque le passé n’est plus pour eux qu’une erreur. Tous les peuples anciens plaçaient l’idéal de leur nation à l’origine ; les ancêtres étaient plus que des hommes (héros, demi-dieux). Voyez au contraire, à l’époque d’Auguste, quand le monde ancien commence à se dissoudre, ces aspirations vers l’avenir, si éloquemment exprimées par le poète incomparable dans l’âme duquel les deux mondes s’embrassèrent. Les nations opprimées font de même : Arthur n’est pas mort, Arthur reviendra. Le plus puissant cri qu’une nation ait poussé vers l’avenir, la croyance de la nation juive au Messie, cette croyance, dis-je, naquit et grandit sous l’étreinte de la persécution étrangère. L’embryon se forme à Babylone ; il se fortifie et se caractérise sous les persécutions des rois de Syrie ; il aboutit sous la pression romaine.
(2) J’ai vu des hommes du peuple plongés dans une vraie extase à la vue des évolutions des cygnes d’un bassin. Il est impossible de calculer à quelle profondeur ces deux simples vies se pénétraient. Évidemment le peuple, en face de l’animal, le prend comme son frère, comme vivant d’une vie analogue à la sienne. Les esprits élevés, qui redeviennent peuple, éprouvent le même sentiment.
(3) Quelle bonhomie, par exemple, que celle de savants souvent éminents, déclarant en tête de leurs ouvrages qu’ils n’ont pas eu l’intention d’empiéter sur le terrain de la religion, qu’ils ne sont pas théologiens et que les théologiens ne peuvent pas trouver mauvaises leurs tentatives d’humble philosophie naturelle. Il y a en France des hommes qui admirent beaucoup l’établissement religieux de l’Angleterre, parce que c’est de tous le plus conservateur. À mes yeux, ce système est le plus illogique et le plus irrévérencieux envers les choses divines.