Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/57

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gnaient pas de l’organisation de la société, parce que l’organisation y était nulle. Le mal était accepté comme venant de la fatalité. Ce qui maintenant ferait jeter les hauts cris n’excitait point alors une plainte. L’école néo-féodale a étrangement abusé de ce malentendu. Que faire ? Reconstruire le vieux temple ? Ce serait bien plus difficile encore, car, lors même que le plan n’en serait pas perdu, les matériaux le seraient à jamais. Ce qu’il faut, c’est chercher le parfait au-delà, c’est pousser la science à ses dernières limites. La science, et la science seule, peut rendre à l’humanité ce sans quoi elle ne peut vivre, un symbole et une loi.

Le dogme qu’il faut maintenir à tout prix, c’est que la raison a pour mission de réformer la société d’après ses principes, c’est qu’il n’est point attentatoire à la Providence d’entreprendre de corriger son œuvre par des efforts réfléchis. Le véritable optimisme ne se conçoit qu’à cette condition. L’optimisme serait une erreur, si l’homme n’était point perfectible, s’il ne lui était donné d’améliorer par la science l’ordre établi. La formule « Tout est pour le mieux » ne serait sans cela qu’une amère dérision (11). Oui, tout est pour le mieux, grâce à la raison humaine, capable de réformer les imperfections nécessaires du premier établissement des choses. Disons plutôt : Tout sera pour le mieux, quand l’homme, ayant accompli son œuvre légitime, aura rétabli l’harmonie dans le monde moral et se sera assujetti le monde physique. Quant aux vieilles théories de la Providence, où le monde est conçu comme fait une fois pour toutes, et devant rester tel qu’il est, où l’effort de l’homme contre la fatalité est considéré comme un sacrilège, elles sont vaincues et dépassées. Ce qu’il y a de sûr, au moins, c’est qu’elles n’arrêteront point