Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/76

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sera jamais que pesanteur d’esprit. Il y a autant de bonhomie et de crédulité, mais beaucoup moins de poésie, a discuter lourdement des fables qu’à les accepter en bloc. Nous traitons avec raison de barbares les hagiographes du xviie siècle, qui, en écrivant la Vie des Saints, admettaient certains miracles et en rejetaient d’autres comme trop excentriques (il est clair qu’avec ce principe il eût fallu tout rejeter), et nous préférons, au point de vue artistique, la Sainte Élisabeth de M. de Montalembert, par exemple, où tout est accepté sans distinction. La ligne entre tout croire et ne rien croire est alors bien indécise et pour le lecteur et pour l’auteur ; on peut incliner vers l’un ou vers l’autre, suivant les heures de rationalisme ou de poésie, et l’œuvre conserve au moins un incontestable mérite comme œuvre d’art. Telle était aussi la belle et poétique manière de Platon ; tel est le secret du charme inimitable que l’usage demi-croyant, demi-sceptique des mythes populaires donne a sa philosophie. Mais accepter une partie et rejeter l’autre ne peut être que le fait d’un esprit étroit. Rien de moins philosophique que d’appliquer une demi-critique aux récits conçus en dehors de toute critique.

L’œuvre de la critique moderne est donc de détruire tout système de croyance entaché de supernaturalisme. L’islamisme qui, par un étrange destin, à peine constitué comme religion dans ses premières années, est allé depuis acquérant sans cesse un nouveau degré de force et de stabilité, l’islamisme périra par l’influence seule de la science européenne, et ce sera notre siècle qui sera désigné par l’histoire comme celui où commencèrent à se poser les causes de cet immense événement. La jeunesse d’Orient, un venant dans les écoles d’Occident puiser la science eu-