Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/82

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qui aient des propositions mieux dressées et un symbole fait une fois pour toutes.

Quand je veux initier de jeunes esprits à la philosophie, je commence par n’importe quel sujet, je parle dans un certain sens et sur un certain ton, je m’occupe peu qu’ils retiennent les données positives que je leur expose, je ne cherche même pas à les prouver ; mais j’insinue un esprit, une manière, un tour ; puis quand je leur ai inoculé ce sens nouveau, je les laisse chercher à leur guise et se bâtir leur temple suivant leur propre style. Là commence l’originalité individuelle, qu’il faut souverainement respecter. Les résultats positifs ne s’enseignent pas, ne s’imposent pas ; ils n’ont aucune valeur s’ils sont transmis et acceptés de mémoire. Il faut y avoir été conduit, il faut les avoir découverts ou devinés d’avance sur les lèvres de celui qui les expose. Les propositions positives sont l’affaire de chacun ; l’esprit seul est transmissible. Je le dis en toute franchise. Je n’ai pas, et je ne crois pas que la science puisse donner un ensemble de propositions délimitées et arrêtées, constituant une religion naturelle. Mais il y a une position intellectuelle, susceptible d’être exprimée en un livre, non eu une phrase, qui est à elle seule une religion ; il y a une façon religieuse de prendre les choses, et cette façon est la mienne. Ceux qui une fois dans leur vie ont respiré l’air de l’autre monde, et goûté le nectar idéal, ceux-là me comprendront (25).

On ne tardera point, ce me semble, à reconnaître que la trop grande précision dans les choses morales est aussi peu philosophique qu’elle est peu poétique. Tous les systèmes sont attaquables par leur précision même (26). Combien, par exemple, ces admirables oraisons funè-