Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/522

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peu près la même scolastique, de York à Samarkand ; au XIVe siècle, tout le monde se livre au goût de l’allégorie mystique, en Italie, en Perse, dans l’Inde ; au XVIe, l’art se développe d’une façon toute semblable en Italie, au Mont-Athos, à la cour des grands Mogols, sans que saint Thomas, Barhébræus, les rabbins de Narbonne, les motécallémin de Bagdad se soient connus, sans que Dante et Pétrarque aient vu aucun soufi, sans qu’aucun élève des écoles de Pérouse ou de Florence ait passé à Dehli. On dirait de grandes influences morales courant le monde, à la manière des épidémies, sans distinction de frontière et de race. Le commerce des idées dans l’espèce humaine ne s’opère pas seulement par les livres ou l’enseignement direct. Jésus ignorait jusqu’au nom de Bouddha, de Zoroastre, de Platon ; il n’avait lu aucun livre grec, aucun soutra bouddhique, et cependant il y a en lui plus d’un élément qui, sans qu’il s’en doutât, venait du bouddhisme, du parsisme, de la sagesse grecque. Tout cela se faisait par des canaux secrets et par cette espèce de sympathie qui existe entre les diverses portions de l’humanité. Le grand homme, par un côté, reçoit tout de son temps ; par un autre, il domine son temps. Montrer que la religion fondée par Jésus a été la conséquence naturelle de ce qui avait précédé, ce n’est pas en diminuer l’excellence ; c’est