Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/54

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bien vite transfiguré. La légende d’Alexandre était éclose avant que la génération de ses compagnons d’armes fût éteinte ; celle de saint François d’Assise commença de son vivant. Un rapide travail de métamorphose s’opéra de même, dans les vingt ou trente années qui suivirent la mort de Jésus, et imposa à sa biographie les tours absolus d’une légende idéale. La mort perfectionne l’homme le plus parfait ; elle le rend sans défaut pour ceux qui l’ont aimé. En même temps, d’ailleurs, qu’on voulait peindre le maître, on voulait le démontrer. Beaucoup d’anecdotes étaient conçues pour prouver qu’en lui les prophéties envisagées comme messianiques avaient eu leur accomplissement. Mais ce procédé, dont il ne faut pas nier l’importance, ne saurait tout expliquer. Aucun ouvrage juif du temps ne donne une série de prophéties exactement libellées que le Messie dût accomplir. Plusieurs des allusions messianiques relevées par les évangélistes sont si subtiles, si détournées, qu’on ne peut croire que tout cela répondît à une doctrine généralement admise. Tantôt l’on raisonna ainsi : « Le Messie doit faire telle chose ; or Jésus est le Messie ; donc Jésus a fait telle chose. » Tantôt l’on raisonna à l’inverse : « Telle chose est arrivée à Jésus ; or Jésus est le Messie ; donc telle chose devait arriver au Messie. »