Page:Renan - Le Judaisme comme race et comme religion, 1883.djvu/40

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au monde des Syriens authentiques, ce sont ces gens-là, puisqu’ils parlent encore leur vieille langue ; et pourtant ils sont musulmans et ressemblent pour les habitudes et les mœurs à tous les autres musulmans. La différence qui existe entre eux et les Syriens chrétiens résulte donc de la différence du genre de vie et d’une situation sociale prolongée durant des siècles ; elle n’a absolument rien d’ethnographique.

De même, chez les juifs, la physionomie particulière et les habitudes de vie sont bien plus le résultat de nécessités sociales qui ont pesé sur eux pendant des siècles, qu’elles ne sont un phénomène de race.

Réjouissons-nous, Messieurs, que ces questions, si intéressantes pour l’histoire et l’ethnographie, n’aient en France aucune importance pratique. Nous avons, en effet, résolu la difficulté politique qui s’y rattache de la bonne manière. Quand il s’agit de nationalité, nous faisons de la question de race une question tout à fait secondaire, et nous avons raison. Le fait ethnographique, capital aux origines de l’histoire, va toujours perdant de son importance à mesure qu’on avance en civilisation. Quand l’Assemblée nationale, en 1791, décréta l’émancipation des juifs, elle s’occupa extrêmement peu de la race. Elle estima que les hommes devaient être jugés non par le sang qui coule dans leurs veines, mais par leur valeur morale et intellectuelle. C’est la gloire de la France de prendre ces questions par le côté humain. L’œuvre du XIXe siècle est d’abattre tous les ghettos, et je ne fais pas mon compliment à ceux qui