Page:Renan - Lettres du séminaire, 1838-1846.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est mon plaisir le plus sensible que de voir cette chère et excellente sœur. Quand je suis avec elle, et que nous causons de vous, je crois vous voir, ma chère maman, avec nous deux dans le parloir de Saint-Nicolas. J’aime bien souvent à me faire cette illusion. Quand je vais quelque part, que je suis tout seul, je me dis si maman était ici avec moi. Hélas ! ce n’est qu’une illusion, très chère mère, quand sera-ce une réalité ? En attendant, je me console en pensant souvent à vous. Je crois vous voir là-bas toute seule, quelquefois triste, quelquefois plus contente. Plût à Dieu que vous le fussiez toujours ! Dites-moi, tendre mère, comment vous vous trouvez, quelle est votre vie, si vous êtes bien, si vos maux de tête ne vous tracassent pas trop, si vous êtes assidue à la petite goutte de café. Ne me cachez rien, ma chère maman, car rien ne me déchire le cœur comme de penser que vous êtes triste, que dans l’instant peut-être où je ris, vous pleurez. C’est un des grands maux de l’absence on ne sait en quel état est la personne que l’on aime, et cette pensée empoisonne bien toutes les satisfactions. Enfin, du cou-