Page:Renan - Lettres du séminaire, 1838-1846.djvu/335

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désolante. C’est qu’elle m’aime, cette pauvre mère, Dieu sait combien ! Mais moi, que pouvais-je contre ma conscience ? Ah je le répète du fond de mon âme, s’il n’eût été question que du bonheur de ma vie, je l’eusse sacrifié de grand cœur... Mon Dieu ! devais-je penser que vous m’imposeriez pour devoir d’accabler de peine celle pour qui vous avez mis tant d’amour en mon cœur ! » Ma chère maman, nous nous aimons comme on s’aime rarement dans ce triste monde, ne nous faisons donc pas tant de mal ! Écrivez-lui que vous serez heureuse pourvu qu’il soit toujours ce qu’il ne peut cesser d’être, un fils aimant et bon, un homme probe et consciencieux, et vous lui ferez un bien inexprimable, infini, et je vous en remercierai avec la plus tendre, la plus vive reconnaissance. Croyez-moi, ma bonne mère, les agitations de ma vie m’ont fait beaucoup voir, beaucoup connaître, beaucoup observer ; j’ai acquis plus d’expérience que bien des personnes qui ont vécu quatre-vingts ans dans notre chère province ; eh bien c’est avec cette expérience, cette raison mûrie par les événements que je vous assure