Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/136

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« Mon Dieu ! du pain, du repos et la jouissance de moi-même ! » Vains désirs, que bien d’autres ont sans doute inutilement formés et qui ne doivent se réaliser que pour un petit nombre. Je dirai avec toi qu’il est heureusement en nous des facultés que nul homme ne peut contraindre et dont le témoignage nous fait oublier bien des injustices ; mais, crois-moi, mon Ernest, je puis, par expérience, t’assurer qu’il faut bien des combats pour mettre cette liberté intérieure à l’abri de toute investigation et qu’il est bien difficile de faire comprendre à ceux qui paient qu’il est des choses dont on ne doit compte qu’à Dieu et à sa conscience.

Ces vérités sont pénibles à dire, plus pénibles encore à sentir ; mais cela est, il faut donc avoir le courage de l’envisager. Cependant, alors même que les conditions humaines enchaîneraient toujours, il y aurait encore la grande différence du plus au moins. Comme femme et comme institutrice, j’ai dû n’avoir en partage que le minimum ; mais, mon bon Ernest, je suis loin d’être convaincue que, par opposition, la plus grande part de cette