Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/19

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un charme que n’ont pas les villes de bourgeoisie, plus vivantes et plus riches, qui se sont développées dans le reste du pays.

La cathédrale surtout, très bel édifice du xive siècle, avec ses nefs élevées, ses étonnantes hardiesses d’architecture, son joli clocher, prodigieusement élancé, sa vieille tour romane, reste d’un édifice plus ancien, semblait faite exprès pour nourrir de hautes pensées. Le soir, on la laissait ouverte fort tard aux prières des personnes pieuses ; éclairé d’une seule lampe, rempli de cette atmosphère humide et tiède qu’entretiennent les vieux édifices, l’énorme vaisseau vide était plein d’infini et de terreurs. Les environs de la ville sont riches en belles ou étranges légendes. A un quart de lieue est la chapelle élevée près du lieu de naissance du bon avocat saint Yves, le saint des Bretons du dernier âge, devenu dans la croyance populaire le défenseur des faibles, le grand redresseur de torts ; près de là, sur un point fort élevé, la vieille église de Saint-Michel, détruite par la foudre. On nous y menait chaque année le jeudi saint. C’est une croyance que ce jour-là toutes les cloches,