Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/238

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partialité, elle leur était favorable et non hostile. Tout ne me portait-il pas à être chrétien ? Et le bonheur de ma vie, et une longue habitude, et le charme d’une doctrine dont on s’est nourri, qui a pénétré toutes les idées de la vie ? Mais tout a dû céder à la perception de la vérité. Dieu me garde de dire que le christianisme est faux ; ce mot dénoterait bien peu de portée d’esprit : le mensonge ne produit pas d’aussi beaux fruits. Mais autre chose est de dire que le christianisme n’est pas faux, autre chose qu’il est la vérité absolue, au moins en l’entendant comme l’entendent ceux qui se portent pour ses interprètes.

Je l’aimerai, je l’admirerai toujours ; c’est lui qui a nourri et réjoui mon enfance ; il m’a fait ce que je suis ; sa morale (j’entends celle de l’Évangile) sera toujours ma règle ; toujours j’aurai en aversion ces sophistes qui emploient contre lui la calomnie et la mauvaise foi, car il y en a qui le font ; ceux-là le comprennent bien moins encore que ceux qui se livrent à lui en se fermant les yeux. Jésus surtout sera toujours mon Dieu. Mais quand on descend de ce christianisme pur,