Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/310

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l’idéal aux conceptions trop réelles et au positivisme matériel de ce dernier.

La même réaction qui a eu lieu en France par M. Cousin et l’éclectisme, n’a, comme toutes les imitations, que des couleurs bien pâles ; et puis quelle différence pour la pureté du concept moral ! C’est la différence de Jésus-Christ et de Socrate. L’école française s’est tenue trop en dehors du christianisme, rebutée sans doute par les formes âpres et sèches de l’orthodoxie française : le philosophe aime la latitude, et le christianisme du Nord de l’Allemagne en laisse autant qu’on peut en désirer. Aussi la philosophie allemande est-elle, en sa morale, imprégnée de christianisme, au moins pour l’esprit général d’amour, de douceur, de contemplation chaste et désintéressée. Ah ! qui ne serait chrétien comme cela ! Je les aime surtout quand ils stigmatisent ces systèmes qui voudraient refuser à l’homme le sens de l’infini et faire régner dans la littérature, dans l’art, dans la morale, un grossier réalisme.

En vérité, il ne vaudrait pas la peine de vivre, si l’homme n’avait de facultés que pour ce qui se touche. Ce qui me charme encore