Page:Renan - Ma soeur Henriette, Calmann-Levy, 1895.djvu/67

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instant. Mais, en un sens, elle me surpassait de beaucoup. Dans les choses de l’âme je cherchais encore matière à des luttes attachantes ou à des études d’art ; pour elle, rien ne ternissait la pureté de sa communion intime avec le bien. Sa religion du vrai ne souffrait pas la moindre note discordante. Un trait qui la blessa dans mes écrits fut un sentiment d’ironie qui m’obsédait et que je mêlais aux meilleures choses. Je n’avais jamais souffert, et je trouvais dans le sourire discret, provoqué par la faiblesse ou la vanité de l’homme, une certaine philosophie. Cette habitude la blessait, et je la lui sacrifiai peu à peu. Maintenant je reconnais combien elle avait raison. Les bons doivent être simplement bons ; toute pointe de moquerie implique un reste de vanité et de défi personnel qu’on finit par trouver de mauvais goût.

Sa religion était arrivée au dernier degré