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Page:Renan - Ma soeur Henriette, Calmann-Levy, 1895.djvu/74

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une sorte de religion du malheur ; elle accueillait, cultivait presque chaque motif de pleurer. La tristesse devenait pour elle un sentiment long et facilement doux. En général, les personnes bourgeoises ne la comprenaient pas et lui trouvaient quelque chose de raide et d’embarrassé. Rien de ce qui n’était pas complètement bon ne pouvait lui plaire. Tout était chez elle vrai et profond ; elle ne savait pas se profaner. Les gens du peuple, les paysans, au contraire, la trouvaient d’une exquise bonté, et les personnes qui savaient la toucher par ses grands côtés arrivaient bien vite à voir la profondeur de sa nature et sa haute distinction.

Parfois elle avait de charmants retours de femme ; elle redevenait jeune fille ; elle se rattachait à la vie presque en souriant, et l’écran qui était entre le monde et elle semblait s’abaisser. Ces moments fugitifs de délicieuses