Page:Renan - Ma soeur Henriette, Calmann-Levy, 1895.djvu/87

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joies et à nos peines de toute la force de son exquise sensibilité, elle était arrivée à faire complètement sienne la nouvelle vie à laquelle je l’avais associée. Je compte entre mes grandes satisfactions morales d’avoir pu réaliser par les deux femmes que le sort a attachées à ma vie ce chef-d’œuvre d’abnégation et de pur dévouement. Elles s’aimèrent d’une vive affection, et aujourd’hui j’ai la consolation d’avoir à mes côtés un deuil presque égal au mien. Chacune d’elles eut près de moi sa place distincte, et cela pourtant sans partage ni exclusion. Chacune d’elles à sa manière fut tout pour moi. Quelques jours avant sa mort, à un moment où elle eut comme un pressentiment de sa fin prochaine, ma sœur me dit des paroles qui témoignaient que tout était cicatrisé et qu’il ne lui restait des amertumes passées qu’un souvenir.