Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/188

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voyages à titre de compagnes[1]. Ce genre de vie était loin de les amollir, car ils fournirent aux luttes du martyre des athlètes qui confondirent les bourreaux[2].

L’ardeur de la foi était telle, que c’était contre l’excès de sainteté qu’il fallait prendre des mesures ; c’était des abus de zèle qu’on devait se garder. Des mots qui n’impliquaient que l’éloge, comme ceux d’abstinent, d’apostolique, devinrent des notes d’hérésie. Le christianisme avait créé un tel idéal de détachement, qu’il reculait devant son œuvre et disait à ses fidèles : « Ne me prenez pas si fort au sérieux, ou vous allez me détruire ! » On était effrayé de l’incendie qu’on avait allumé. L’amour des deux sexes avait été si terriblement malmené par les docteurs les plus irréprochables, que les chrétiens qui voulaient aller jusqu’au bout de leurs principes devaient le tenir pour coupable et le bannir absolument. À force de frugalité, on en venait à blâmer la création de Dieu et à laisser inutiles presque tous ses dons. La persécution produisait et, jusqu’à un certain point, excusait ces exaltations malsaines. Qu’on songe à la dureté des temps, à cette préparation au martyre, qui remplissait la vie du chrétien[3] et en faisait

  1. Epiph., xlvii, 3.
  2. Sozom., V, 11.
  3. Lettre des fidèles de Vienne et de Lyon, dans Eus., V, i, 11,