Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/213

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le christianisme qui s’envisageait comme la destruction du judaïsme. Mais la réalité est moins flexible que l’esprit. Le jour de la Pâque était entre les Églises chrétiennes la cause d’un profond désaccord. On ne jeûnait pas, on ne priait pas le même jour. Les uns étaient encore dans les larmes, quand les autres chantaient des cantiques de triomphe. Même les Églises que ne séparait aucune question de principes étaient embarrassées. Le cycle pascal était si mal fixé, que des Églises voisines, comme celles d’Alexandrie et de Palestine, s’écrivaient au printemps pour se bien entendre et célébrer la fête le même jour et en plein accord[1]. Quoi de plus choquant, en effet, que de voir telle Église plongée dans le deuil, exténuée par le jeûne, tandis que telle autre nageait déjà dans les joies de la résurrection ? Les jeûnes qui précédaient la Pâque, et qui ont donné origine au carême, se pratiquaient aussi avec les plus grandes diversités[2].

C’était l’Asie qui était la plus agitée de ces controverses. Nous avons déjà vu la question traitée, il y a dix ou douze ans, entre Polycarpe et Anicet[3]. Presque toutes les Églises chrétiennes, ayant à leur tête l’Église de Rome, avaient déplacé la pâque, ren-

  1. Lettre de Narcisse, dans Eus., V, xxv.
  2. Irénée, dans Eus., V, xxiv, 12 et 13.
  3. V. l’Église chrétienne, p. 445 et suiv.