Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/331

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tortures et brûlait de souffrir. Elle était petite, faible de corps[1], si bien que les fidèles tremblaient qu’elle ne pût résister aux tourments. Sa maîtresse surtout, qui était du nombre des détenus, craignait que cet être débile et timide ne fût pas capable d’affirmer hautement sa foi. Blandine fut prodigieuse d’énergie et d’audace. Elle fatigua les brigades de bourreaux qui se succédèrent auprès d’elle depuis le matin jusqu’au soir ; les questionnaires vaincus avouèrent n’avoir plus de supplices pour elle, et déclarèrent qu’ils ne comprenaient pas comment elle pouvait respirer encore avec un corps disloqué, transpercé ; ils prétendaient qu’un seul des tourments qu’ils lui avaient appliqués aurait dû suffire pour la faire mourir. La bienheureuse, comme un généreux athlète, reprenait de nouvelles forces dans l’acte de confesser le Christ. C’était pour elle un fortifiant et un anesthésique[2] de dire : « Je suis chrétienne ; on ne fait rien de mal parmi nous. » À peine avait-elle achevé ces mots, qu’elle paraissait retrouver toute sa vigueur, pour se présenter fraîche à de nouveaux combats.

Cette résistance héroïque irrita l’autorité romaine ; aux tortures de la question, on ajouta celles du séjour dans une prison, qu’on rendit le plus horrible pos-

  1. Comp. Lettre, § 17 et § 42.
  2. Ἀναλγησία.