Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/396

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lape. Là, un oracle divin lui signifia cette recette : « Brûler les livres d’Épicure, en pétrir les cendres avec de la cire humide, s’enduire le ventre avec ce liniment et envelopper le tout de bandages. » On contait aussi l’histoire d’un coq de Tanagre, qui, blessé à la patte, se mit parmi ceux qui chantaient un hymne à Esculape, les accompagnant de son chant et montrant au dieu sa patte malade. Une révélation s’étant faite pour amener sa guérison, « on vit le coq battant des ailes, allongeant le pas, dressant le cou et agitant sa crête, proclamer la Providence, qui plane au-dessus des créatures privées de raison »[1].

La défaite du bon sens était accomplie. Les fines railleries de Lucien, les justes critiques de Celse, ne pèseront que comme des protestations impuissantes. Dans une génération, l’homme, en entrant dans la vie, n’aura plus que le choix de la superstition[2], et bientôt ce choix même, il ne l’aura plus.

  1. Æliani fragm. 89, 98, édit. Hercher.
  2. Quelques jurisconsultes font une noble exception. Voir, par exemple, l’opinion d’Ulpien sur les exorcistes. Digeste, L, xiii, loi 1, § 3, De extraord. cognit. Paul paraît plus crédule. Sent., V, xxi, 4 ; xxiii, 11, 12.