Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/528

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giles sont fixés[1], et pourtant beaucoup d’autres textes évangéliques circulent et obtiennent faveur. La plupart des fidèles, loin d’être des ennemis de l’empire romain, n’attendent que le jour de la réconciliation et admettent déjà la pensée d’un empire chrétien ; d’autres continuent à vomir contre la capitale du monde païen les plus sombres prédictions apocalyptiques. Une orthodoxie est formée et sert déjà de pierre de touche pour écarter l’hérésie ; mais, si l’on veut abuser de cette raison d’autorité, les docteurs les plus chrétiens se raillent hautement de ce qu’ils appelleront « la pluralité de l’erreur ». La primauté de l’Église de Rome commence à se dessiner ; mais ceux-là mêmes qui subissent cette primauté protesteraient si on leur disait que l’évêque de Rome doit un jour aspirer au titre de souverain de l’Église universelle. En somme, les différences qui séparent de nos jours le catholique le plus orthodoxe et le protestant le plus libéral sont peu de chose auprès des dissentiments qui existaient alors entre deux chrétiens qui n’en restaient pas moins en parfaite communion l’un avec l’autre.

Voilà ce qui fait l’intérêt sans égal de cette période créatrice. Habitués à n’étudier que les périodes réflé-

  1. Canon de Muratori, Irénée, Tertullien. Voir l’Église chrétienne, p. 502.