Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/53

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Leurs cheveux mal peignés, leur barbe, leurs ongles étaient l’objet de railleries[1]. « Sa barbe lui vaut dix mille sesterces, disait-on ; allons ! il faudrait aussi salarier les boucs[2]. » Leur vanité donnait souvent raison à ces plaisanteries. Peregrinus, se brûlant sur le bûcher d’Olympie, en 166[3], montra jusqu’où le besoin du tragique pouvait mener un sot, infatué de son rôle et avide de faire parler de lui.

Leur prétention à se suffire absolument prêtait à de vives répliques[4]. On se racontait le mot attribué à Démonax sur Apollonius de Chalcis, partant pour Rome avec toute une suite : « Voici venir Apollonius et ses Argonautes[5]. » Ces Grecs, ces Syriens, courant à l’assaut de Rome, semblaient partir pour la conquête d’une nouvelle toison d’or. Les pensions et les exemptions dont ils jouissaient faisaient dire qu’ils étaient à charge à la république, et Marc-Aurèle fut obligé de se justifier sur ce point[6]. On se plaignait

  1. Tatien, Adv. Gr., 25 ; Lampride, Héliog., 11 ; Apulée, Met., XI, 8.
  2. Lucien, Eunuch., 8, 9 ; Cynicus, 1 et suiv. Cf. l’Église chrét., p. 483, 484.
  3. Eusèbe, Chron., p. 170, 171, Schœne ; Athénag., Leg., 26.
  4. Tatien, Adv. Gr., 25.
  5. Lucien, Demonax, 31 ; Capitolin, Ant. Pius, 10.
  6. Capitolin, Ant. Phil., 23 ; Digeste, XXVII, i, De excusationibus, loi 6 (Modestin) ; L, v, De vacat. et excusat. mun., loi 8, § 4 (Papinien) ; loi 10, § 2 (Paul) ; L, iv, De muneribus, loi 18, § 30.