Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/530

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morale, l’invention n’est rien ; les maximes du sermon sur la montagne sont vieilles comme le monde ; personne n’en a la propriété littéraire. L’essentiel est de réaliser ces maximes, de les donner pour base à une société. Voilà pourquoi, chez le fondateur religieux, le charme personnel est chose capitale. Le chef-d’œuvre de Jésus a été de s’être fait aimer d’une vingtaine de personnes, ou plutôt d’avoir fait aimer l’idée en lui, jusqu’à un point qui triompha de la mort. Il en fut de même pour les apôtres et pour la seconde et la troisième génération chrétienne. Les fondateurs sont toujours obscurs ; mais, aux yeux du philosophe, la gloire de ces innommés est la gloire véritable. Ce ne furent pas de grands hommes, ces humbles contemporains de Trajan et d’Antonin, qui ont décidé de la foi du monde. Comparés à eux, les personnages célèbres de l’Église du iiie et du ive siècle font bien meilleure figure. Et pourtant ces derniers ont bâti sur le fondement que les premiers ont posé. Clément d’Alexandrie, Origène ne sont que des demi-chrétiens. Ce sont des gnostiques, des hellénistes, des spiritualistes, ayant honte de l’Apocalypse et du règne terrestre du Christ, plaçant l’essence du christianisme dans la spéculation métaphysique, non dans l’application des mérites de Jésus ou dans la révélation biblique. Origène avoua que, si la loi de Moïse devait