Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/57

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empoisonnèrent son intérieur ; car Faustine appuya la résistance de sa fille, et ce fut un des motifs qui la jetèrent dans l’opposition contre son mari[1].

Si Marc-Aurèle n’avait uni à sa bonté un rare degré de sens pratique, son engouement pour une classe de personnes, qui ne valait pas toujours ce que sa profession faisait supposer, l’eût entraîné à des fautes. La religion a eu ses ridicules ; la philosophie a eu les siens. Ces gens qui couvraient les places publiques, armés de gourdins, étalant leurs longues barbes, leurs besaces et leurs manteaux râpés, ces cordonniers, ces artisans qui abandonnaient leur échoppe pour mener la vie oisive du cynique mendiant, excitaient chez les gens d’esprit la même antipathie qu’excita plus tard dans la bourgeoisie bien élevée le capucin vagabond[2]. Mais, en général, malgré le respect un peu exagéré qu’il avait a priori pour le costume des philosophes, Marc-Aurèle portait dans le discernement des hommes un tact fort juste[3]. Tout le groupe des sages qui se

  1. Capitolin, Ant. Phil., 20. Voir mes Mél. d’hist., p. 193, 194. C’est à tort qu’on a mêlé Faustine à la conspiration d’Avidius. Mél., p. 184 et suiv.
  2. Lucien, Bis accus., 6 ; Dem., 19, 48 ; Piscator, 45 ; Fugitivi, 12-22 ; Épictète, Dissert., III, xxii, 50, 80 ; Aulu-Gelle, IX, 2.
  3. La même distinction était délicatement observée par Épictète. Dissert., III, xxii ; IV, viii, xi.