Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/623

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

crue brisée. Il est si dur de se courber tout le jour sous un labeur humiliant et ingrat !

Le but du christianisme n’était en rien le perfectionnement de la société humaine, ni l’augmentation de la somme de bonheur des individus. L’homme tâche de s’arranger le moins mal possible sur la terre, quand il prend au sérieux la terre et les quelques jours qu’il y passe. Mais, quand on lui dit que la terre est sur le point de finir, que la vie n’est qu’une épreuve d’un jour, l’insignifiante préface d’un idéal éternel, à quoi bon l’embellir ? On ne s’applique pas à décorer, à rendre commode la masure où l’on ne fait qu’attendre un instant. C’est surtout dans la relation du christianisme avec l’esclavage que ceci apparut avec évidence. Le christianisme contribua éminemment à consoler l’esclave, à rendre son sort meilleur ; mais il ne travailla pas directement à supprimer l’esclavage. Nous avons vu que la grande école de jurisconsultes sortie des Antonins est toute possédée de cette idée que l’esclavage est un abus, qu’il faut doucement supprimer. Le christianisme ne dit jamais : « L’esclavage est un abus. » Néanmoins, par son idéalisme exalté, il servit puissamment la tendance philosophique qui, depuis longtemps, se faisait sentir dans les lois et dans les mœurs.

Le christianisme primitif fut un mouvement